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    Éditeur en VO : Feiwel and Friends

    Parus les 3 janvier 2012 - 5 février 2013 - 4 février 2014

    (390 pages / 452 pages / 550 pages)

     

     

    Éditeur en VF : Pocket Jeunesse

    Parus les 14 mars 2013 - 7 novembre 2013 - 16 octobre 2014

    (412 pages / 477 pages / ? pages)

     

    Je louchais depuis un moment sur le tome 1 de la série, Cinder, mais sans urgence, m'attendant à un récit steam-punk d'inspiration conte de fée ("encore... c'est la mode...") très girlie et assez léger. Bref une lecture sympa, sans plus. Les couvertures, toutes très jolies, tant pour la VO que la VF, ont largement contribué à inspirer cette réticence ; ce choix marketing est peut-être bon en soit pour attirer le lecteur, mais j'en doute un peu : la série aurait été mieux servie à mon sens par une couverture esthétique peu figurée, dans le genre de celle des séries Twilight ou Hunger Games. Ce type de couverture semble présenter une histoire jolie et mignonette pour filles, excluant ainsi bien des lecteurs - ce qui est bien dommage
    (même si j'avoue que cette couverture du tome 3 en français, que je viens de découvrir, est absolument splendide, tout comme celle du tome 2 ! Nul doute que je les rachète rapidement pour la famille et en cadeaux)

    Ce premier tome m'a étonnée : des thèmes d'inspiration hétéroclite, une ambiance résolument SF (chouette) pour un ensemble plein de personnalité et très prometteur pour de futurs développements. J'ai alors regretté le manque d'étoffe du roman, trop court à mon goût, qui aurait gagné à être plus détaillé. Du coup les indices donnés pour deviner les surprises y apparaissent de façon bien trop transparente, ce qui m'a paru bien dommage.
    Toutefois cette lecture m'a beaucoup plu et je me suis empressée de lire la suite, qui a répondu à mes attentes, avec un récit plus charnu, une trame plus complexe et des allusions plus subtiles. De toute évidence l'auteur avait tenté de s'adapter à un jeune lectorat avec son premier livre, simplifiant excessivement, mais était capable d'excellence !
    Le deuxième tome, Scarlet, et le troisième, celui-ci, "Cress" présentent une pléthore de qualités enthousiasmantes.

    L'histoire générale, qui se poursuit linéairement d'un tome à l'autre, est passionnante et addictive. L'action est justifiée, laissant la part belle aux interactions entre les personnages, tous sans exception très bien typés, entre réalisme, stéréotype de conte de fées ou de film de comédie-action et petite touche personnelle. Chacun d'entre eux présente des traits foncièrement romanesques, mais sans jamais sombrer dans la caricature.

    Les romances qui s'installent et se poursuivent au fil des tomes (une idée osée pour un résultat brillant) sont toutes très réussies, drôles, touchantes, crédibles. Ô gloire, pas le moindre triangle amoureux en vue et des émois amoureux sobres et émouvants, sans aucun des abus descriptifs trop souvent habituels au genre actuel romance YA. Leur place est d'ailleurs assez limitée dans l'histoire, la narration reste centrée sur la menace présentée par la reine Lunar.

    Les mystères et enchevêtrements de l'histoire sont, dès les tome 2, savamment dosés, nous permettant de jouer aux devinettes, pour être ensuite régulièrement satisfaits ou surpris.

    L'imagination de l'auteur, quoique fondée sur de nombreuses histoires préexistantes, est remarquable. Son style, simple et direct, sert bien le récit, le rendant abordable à des lecteurs plutôt débutants en anglais. L'humour, sans être omniprésent, est souvent très réjouissant, en particulier dans la mise en scène, très visuelle.

    Le cadre SF, où évoluent successivement les héroïnes inspirées de conte de fées (Cendrillon, puis le Petit Chaperon Rouge, Raiponce et, pour le tome 4 prévu pour fin 2015, Blanche Neige) est très jubilatoire pour quelqu'un de ma génération, bercée par les séries SF plus imaginatives et psychologiques que nourries d'effets spéciaux. Un hommage à Star Wars est peut-être bien rendu, ou peut-être est-ce seulement mon ressenti à voir évoluer ces Intelligences Artificielles (Iko !!), ces droïdes plus ou moins humanoïdes, ces vaisseaux volants.
    L'inspiration est mixte, on sent aussi des notes d'urban-fantasy, de films d'action type Indiana Jones.
    Bon, il ne faut pas chercher de grande crédibilité scientifique, mais l'auteur reste simple et tout passe très bien.

    Une des qualités de cette série est de nous épargner, pour une fois, la focalisation du récit sur le continent américain. Dans cette histoire qui se déroule dans quelques siècles, les pays ont été remaniés entre quelques Commonwealths, et le récit s'inscrit en Chine, en France (pas seulement Paris, également un petit village près de Toulouse), en Afrique du Nord.
    Ce choix est vraiment très rafraîchissant, d'autant que l'auteur est consciencieuse et connaît ce dont elle parle (les mots français sont parfaitement accentués, par exemple, et les prénoms crédibles - pas de sémillant Jean-Raoul !)

    A noter que de courtes histoires (préquelles diverses) sont disponibles en gratuit. Je les lirai bientôt et mettrai à jour ce commentaire. D'autre part les droits semblent avoir été rachetés, espérons qu'un film de qualité verra bientôt le jour, cette série a un potentiel fantastique si tant est que les choses soient intelligemment traitées !

     

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  • "Lockwood et Co tome 1 : L'escalier hurleur de Jonathan Stroud "Lockwood et Co tome 1 : L'escalier hurleur de Jonathan Stroud

     

     

     

     

     

     

     

     

     

             Éditeur en VO :   Disney-Hyperion                                         Éditeur en VF : Albin Michel                           Août 2014 - 416 pages                                                          Septembre 2014 - 440 pages

                                                            (Pour lecteur de tout âge, dès 11 ans)

     

    J'attendais ce livre avec impatience. J'adore la série des Bartiméus de l'auteur (La trilogie de Bartiméus et L'Anneau de Salomon), j'ai apprécié Les Héros de la vallée, ainsi que les trois autres livres de l'auteur, écrits il y a plus longtemps, assez étranges, riches en atmosphère surnaturelle, inquiétante à la limite de l'angoissante ("The Last Siege", "The Leap", "Buried Fire"). J'étais ainsi curieuse de savoir ce que l'auteur nous avais concocté là, même si les histoires de fantômes ne sont pas particulièrement ma tasse de thé.

    Ma curiosité a été récompensée !

    Jonathan Stroud a manifestement regroupé dans cette nouvelle série tout ce qu'il aimait : les ambiances surnaturelles, la littérature jeunesse (yes !!! au lieu de vouloir jouer au grand auteur en passant à la "vraie" littérature, celle pour adultes of course - ben non je ne vise personne - J.S continue d'écrire pour la jeunesse, la vraiment jeune et la plus vieille) et le parfum british, qui change agréablement des romans américains, aussi passionnants que soient certains. L'ensemble est très travaillé, l'auteur a visiblement pris le temps de tout bien peaufiner, ça fait plaisir...

    J'ai tout adoré de ce livre : le style, brillant comme toujours, l'histoire, très bien menée et cohérente, le monde et sa variante type uchronie british, la mise en scène soignée, les petits-détails-qui-font-tout, les personnages, à la fois typés et nuancés, l'ambiance, mi-sérieuse mi-désinvolte, très légèrement marquée de tristesse, et enfin la tension montante, qui finit sur une dernière scène d'horreur à la sauce fantôme vraiment très réussie !

    Le contexte est un peu flou : le tournant uchronique, une épidémie brutale de fantômes en Grande-Bretagne (et uniquement là semble-t-il), a eu lieu il y a une cinquantaine d'années (tournant appelée sobrement "The Problem", avec une bonne dose d'humour anglais !), mais le monde où évoluent les personnages ne connait pas l'informatique, nous devons ainsi être dans les années 80. L'ambiance fait un peu plus vintage, sans doute par le jeu des contraintes créées par ce danger permanent : couvre-feu, lumières anti-fantômes à tous coins de rues, brassées de lavande, vendeurs de sel et de limaille de fer, patrouilles de nuit, etc.

    On ne connait pas grand chose des fantômes finalement, principalement les grands axes découverts par un célébrissime duo de choc, de l'époque initiale. Mais ils peuvent tout de même être définitivement refoulés par des techniques dangereuses à mettre en oeuvre - les accidents mortels ne sont pas rares.

    Cette nouvelle vague d'apparitions n'a en effet vraiment rien d'une partie de plaisir ; les fantômes, outre les accidents qu'ils peuvent causer par leurs manifestations, sont dangereux par contact : leur toucher est mortel sans traitement médical rapide (sorte de nécrose bleue avec gonflement spectaculaire).

    Personne ne sait pourquoi les fantômes, connus de tout temps mais rares, sont devenues si nombreux, survenant un peu partout - attachés à leur "source", un objet, leurs restes, ou même un emplacement significatif.

    Enfin, si les adultes peuvent ressentir les fantômes (malaise, angoisse, dépression) seuls certains enfants peuvent les percevoir, par la vue, l'ouïe, ou le toucher d'objets, de matériaux.

    Ainsi, dans le monde imaginé par l'auteur, les enfants sont-ils les seuls à pouvoir combattre ces dangers, si réels et si mortels. Cet aspect, si souvent emprunté par les auteurs jeunesse, d'enfants réduits à un travail d'adultes, parfois exploités par ceux-ci et parfois gaillardement autonomes, est souvent bancal à mes yeux, artificiel, tiré par les cheveux. Ici le contexte le justifie pleinement, la cohérence est totale, pour un agrément maximum de lecture.

    La construction du livre agréable à suivre, avec une immersion immédiate, suivi d'une mise au point permettant de comprendre la personnalité de l'héroïne, Lucy (roman écrit à la première personne du singulier, J.S aime ses héroïnes !) et d'assister à la rencontre entre Lucy, Lockwood et George, l'étrange trio de l'agence Lockwood.

    Le flash-back (sans souffrance aucune, ne craignez rien, c'est court et très bien fait, car permet de répondre à des questions soulevées par l'intro) permet de comprendre comment Lucy est arrivée à quitter sa campagne natale, après une enfance typique, celle des enfants particulièrement doués, embrigadés très jeunes par les agences, d'abord pour les rondes de nuit puis, pour les plus brillants, pour les missions visant à anéantir les fantômes.

    Le récit reprend ensuite tambour battant, sans mollir, sans précipitation non plus ; c'est intelligent, drôle et distrayant. Les personnages sont intéressants, taillés dans des stéréotypes très vite nuancés, et les rapports entre les trois adolescents sont vraiment réussis, entre complicité, pinailleries, estime, blagues en tous genres et affrontements.

    Le récit est présenté comme une aventure, qui se clôture très bien, mais avec une petite entourloupe finale malicieuse qui annonce bien l'enjeu du tome suivant... que je viens de lire très récemment, et qui a tenu toute ses promesses.

     

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  • 9466865

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

                        Éditeur en VO :  Del Rey                                                    Éditeur en VF : Le Bélial

                          Paru le 28 juin 2011                                                           Paru le 28 août 2014

                                   450 pages                                                                                450 pages

                                                                                                             Traduction : Laurent Philibert-Caillat

                                                                                                    Illustration de couverture : Aurélien POLICE

     

    Fans de zombies, vous serez servis, anti-zombies, surtout de grâce ne passez pas votre chemin ! Ce livre est un diamant aux multiples facettes, susceptible de retenir l'attention des amateurs de genre, mais aussi des lecteurs de littérature classique, tant par sa forme que son fond.

    L'originalité de la forme du récit tient à ses choix narratifs, choisis de façon éclairée et tenus de main de maître tout au long du roman.

    La trame générale m'a beaucoup évoqué un livre classique, de ceux que je lisais jadis, qui n'avaient aucun élément fantastique mais racontaient la vie des gens.

    Les gens, dans "L'éducation de Stony Mayhall" ce sont quatre femmes, une famille soudée, pas très riche, vivant simplement au cœur de l'Iowa. Une mère et ses trois filles, puis, après une nuit d'hiver, une mère, ses trois filles et son fils adoptif: John - Stony.

    Le récit est conté selon le mode que je préfère, le plus subtil à mon sens : à la troisième personne du singulier, mais focalisé sur la même personne du début à la fin, ici, Stony Mayhall, un des personnages le plus attachant de toutes mes lectures jusqu'alors. C'est ainsi le narrateur qui raconte l'histoire de Stony, depuis sa naissance jusqu'à nos jours. Le narrateur ne fait qu'effleurer le contexte, celui que les lecteurs connaissent et sur lequel il n'est pas utile de s'appesantir, celui de l'avènement des zombies dans notre monde, depuis une quarantaine d'années. Rarement, mais parfois, il prend la parole pour prendre le lecteur à témoin ; cet artifice, utilisé avec beaucoup de légèreté, donne une tonalité très riche au récit.

    Le style est excellent, très fluide, sans excès d'aucun genre et agrémenté de touches de malice à faire rire aux éclats.

    (Remarque : sans rien dévoiler du fond de l'intrigue, j'expose ci-après les premiers temps de l'histoire. Les lecteurs qui souhaitent garder toutes les surprises sont sommés de passer leur chemin et de lire le livre sans délai aucun).

    Le récit commence peu après la première vague, l'horreur est derrière les vivants, bien que le cauchemar ne soit pas jugulé. Les scientifiques ont baissé les bras, ou presque, incapables d'expliquer de manière scientifique cette monstruosité. La seule arme qui leur reste est la prophylaxie sanitaire : chercher et exterminer les zombies qui auraient pu échapper à la vigilance des autorités, par hasard ou parce que cachés par des proches incapables d'admettre la vérité : le zombie est un mort-vivant, ayant perdu toute humanité, qui ne cherche qu'à détruire tout ce qui est vivant d'horrible manière...

    Le décor est ainsi planté rapidement : point de panique, d'émeute, de scènes gores à foison. Et quand ces dernières sont finalement évoquées, le narrateur se retranche derrière la sobriété : "Inutile de vous raconter tout ça, vous le savez déjà". Pas d'héroïsme non plus, chacun a fait comme il a pu et le monde essaye de se reconstruire, lentement.

    Le lecteur fait alors connaissance de Stony, le jour même de sa naissance, une naissance plus qu'improbable, miraculeuse. Ou plutôt... monstrueuse.

    Sans que sa mère adoptive, pourtant médecin, puisse le comprendre, une jeune femme est morte en donnant naissance à un bébé zombie. Et ce n'est qu'en essayant de réanimer le bébé qu'elle avait cru mort puis avait vu, à sa stupeur, bouger, que Wanda comprend la vérité. Trop tard pour sauver ce nouveau-né, qui n'a jamais été vivant, mais aussi trop tard pour le détruire ou le porter aux autorités : le bébé, en quelques heures, fait déjà partie de la famille.

    Stony grandit - de manière très spéciale. Il vit caché aux yeux du monde, à l'exception des voisins, des immigrés Coréens qui lui resteront fidèles et ne le trahiront jamais. La première partie du livre (dont l'articulation est classique, en trois temps pour un rythme excellent) est certainement ma préférée : on y découvre un Stony adorable, plein d'humour et d'auto-dérision et empli d'un amour inconditionnel pour sa famille - qui le lui rend d'ailleurs très bien.

    Son évolution à mi-chemin entre le garçon normal et le garçon mort est une réussite merveilleuse (il ne mange pas, ou alors pour faire plaisir, en mode boulimique-vomisseur, ne dort jamais, ne se fatigue jamais, ne souffre pas et ne cicatrise jamais : "Ils le réparaient comme une poupée de chiffon dotée de trop de valeur sentimentale pour être jetée" - traduction maison, je n'ai pas encore la VF en main !).

    Il a un ami, Kwang, le fils des voisins, sa référence, avec lequel il joue à tester ses limites, il est "The Unstoppable" !! ("L'Imparable" ? L'Inarrêtable" ? ) Une partie du livre est dédié aux comics avec autant de malice que d'à-propos.

    La partie suivante est celle où l'on comprend mieux la vérité en ce qui concerne les zombies, et quelle est leur nature exacte ; non pas biologique, car leur existence sans vie demeure un mystère incroyable, mais leur nature philosophique. Cette partie, pleine d'action et de rebondissements, est sous-tendue par la question de la définition de l'humanité. De nombreux passages sont poignants et l'auteur garde avec beaucoup de rigueur un éclairage de la situation par le biais des yeux de Stony, par sa bonté, son humour et sa générosité. Stony, l'enfant-zombie, a plus l'âme d'un ange que celle d'un démon (en plus, pour un zombie, il est beau gosse ! Oui, parce que les autres sont vraiment zombiesques, défigurés par leur mort violente ou leur passage dans la tombe).

    On y découvre une société très étayée, avec des parallélismes intelligents et convaincants, et d'excellents personnages.

    La troisième partie est celle qui amène le dénouement, un dénouement à la fois prévisible et surprenant, où tous les fils tissés pendant le roman - certains de manière invisible - se déploient jusqu'à l'évidence et le mystère, celui de la foi.

    "Je ne pense pas que vous réalisez ce qu'il représente pour son peuple" (dit Delia)

    "Je ne pense pas que vous réalisez ce qu'il représente pour sa famille" (répond Ruby)

    Daryl Gregory est un auteur que j'ai découvert il y a quelques années avec ce livre, et dont les qualités, de romancier et de tempérament (ses récits sont tous incroyablement chaleureux, humains, drôles et généreux) et l'imagination fertile m'ont amené à le classer parmi mes préférés, ceux dont je lis et relis les livres avec un plaisir constant.

     

    Je suis très heureuse de voir enfin cette version française tant attendue, qui va me permettre de faire découvrir ce livre et cet auteur autuur de moi. Je loue au passage la magnifique couverture d'Aurélien Police, un splendide hommage à la finesse, la sensibilité et la subtilité du roman (et aussi le flair de l'éditeur : une illustration zombiesque classique aurait été un choix navrant).

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  •         Éditeur en VO :  Doubleday                                       Éditeur en VF : L'Atalante

                   Paru le 7 juin 2012                                                Paru le 24 octobre 2013

                           128 pages                                                                   135 pages

                                                                                               Traduction : Patrick Couton

     

    Ce petit livre a été écrit comme pour un livre pour enfant d'époque, avec de nombreuses illustrations type gravures anciennes. Il se fait l'écho du livre Coup de tabac de l'auteur, où le fils de Sam Vimaire, le jeune Sam, lit avec passion des livres de son auteur favori, dont "Le monde du caca".

    L'histoire, assez courte, raconte une semaine de la vie de Geoffrey, un petit garçon de sept ou huit ans qui vient passer quelques jours chez sa grand-mère qui vit dans une belle propriété à Ankh-Morpork.

    Le petit garçon, en compagnie du petit chien qu'il vient de recevoir en cadeau, et sous l'aile de personnes variées, va passer de bonnes vacances en se passionnant pour toutes les déjections animales, se constituant une jolie collection !

    Ce livre est une grande réussite à plusieurs points de vue : le ton, le point de vue de l'enfant et le développement sérieux de l'élimination et de la valorisation des déchets naturels.

    J'ai particulièrement aimé la conviction de l'enfant que tout lui arrive par miracle, alors que le lecteur comprend à demi-mot comment la grand-mère, avec autant de discrétion que de compréhension des désirs enfantins, organise chacune des journées de Geoffrey afin que celles-ci répondent aux souhaits informulés de son petit-fils. Son acceptation de l'enthousiasme scientifique de Geoffrey à comprendre et connaître les mystères entourant l'élimination naturelle est particulièrement significative. Tout comme ses demandes répétées de lavage approfondi des mains !

     

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  • 20561643Couverture de Le Théorème du Homard, Ou comment trouver la femme idéale

         Éditeur en VO :   Michael Joseph                                  Éditeur en VF : Nil

                   Paru le 11 avril 2013                                           Paru le 13 mars 2014

                           304 pages                                                               408 pages

                                                                                          Traduction : Odile Demange

     

    J'ai adoré ce livre, que j'ai lu presque d'une traite et que je relirai avec beaucoup de plaisir.

    C'est d'abord une lecture très drôle, délicieusement cocasse, que l'on imaginerait très bien en excellent film (et tout aussi bien en bouse monumentale, hélas, s'il tombait dans de mauvaises mains). Mais c'est aussi un sujet de fond moderne, celui de la reconnaissance, puis de l'acceptation des différences. Une leçon toute en légèreté sur la notion de la normalité : les gens normaux sont-ils forcément ceux qui sont les plus nombreux à fonctionner de la même manière ?

    Le récit se classe comme une comédie romantique, mais sans céder aux diktats du genre ni jamais sombrer dans la caricature.

    L'élan romanesque m'a également évoqué tous ces récits et histoires d'enfants sauvages, ou de personnes parachutées dans un monde qui leur est complètement étranger, et qui doivent utiliser leur intelligence pour comprendre et se faire comprendre - avec tous les quiproquos et situations burlesques que cela peut entraîner (dans un registre positif bien entendu).

    Le personnage principal est très atypique. Brillant célibataire d'une quarantaine d'an-nées, spécialisé en génétique, Don mène une carrière universitaire exemplaire, à peine invalidée par les difficultés de celui-ci à comprendre les nuances des règles qu'il à tendance à prendre au pied de la lettre. D'un point de vue social, c'est plus difficile, malgré ses efforts. Les autres sont si bizarres, si difficiles à comprendre, à appréhender ! Pour-tant Don essaie sans se décourager, et chérit ses rares amis.

    L'entrée en matière, par une scène délicieusement loufoque, nous donne la clé de la personnalité de Don, alors qu'il donne, pour dépanner un ami, une conférence à des parents d'enfants présentant le syndrome d'Asperger.

    Tout s'explique !

    Enfin, pas immédiatement, mais à travers les rebondissements du récit, alors que Don met à exécution son idée de génie : trouver la femme idéale à travers un questionnaire détaillé.

    L'auteur réussit un exploit, celui de nous rendre infiniment attachant une personne qui sait pourtant si mal, de nature, exprimer l'ensemble des émotions humaines et les déchiffrer chez autrui. Un homme d'une intelligence exceptionnelle, mais aussi très seul et d'une innocence quasi enfantine. A la fois infiniment capable et complètement désarmé.

    D'abord par la logique : vue de l'intérieur, les arguments de Don, pour expliquer comment il organise sa vie (temps hebdomadaire de nettoyage de la salle de bains chronométré), choisit ses vêtements (veste de sport parfaitement adaptée : au travail, aux courses, aux sorties, aux voyages), calcule ses calories alimentaires (en reportant éventuellement les excès d'un jour) sont parfaitement raisonnables.

    Bien sûr, le monde extérieur n'est pas de cet avis et les situations délirantes s'enchaînent.

    Et pourtant, à travers les yeux de Don, la superficialité des conversations mondaines, l'obligation des situations sociales, l'acceptation aveugle des lieux communs nous sautent aux yeux.

    Dans ce roman la personne avec laquelle on aimerait discuter est bien le personnage principal, qui s'intéresse à tout, d'une manière très littérale, shuntant allègrement le superflu !

    Le deuxième effet séduction est que Don essaie si fort que le lecteur s'en retrouve bien humble. Sous prétexte que Don est "hors norme", c'est à lui de faire des efforts considérables pour s'adapter, contre toute logique, s’escrimant à comprendre le comportement aberrant des autres. Ses efforts ne sont pas toujours vains et Don entretient des amitiés, souvent atypiques et toujours rares. Un moment très touchant du livre nous fait part de ses pensées alors que la jeune femme qui l'accompagne vient de réfuter avec désinvolture qu'ils puissent former un couple, en remarquant à la tierce personne que Don n'est "qu'un ami". Don se trouve très heureux de cette déclaration, retenant seulement qu'elle le tienne pour un ami - lui qui compte les siens sur les doigts de la main !

    Le troisième effet séduction est l'effet show off : Don est d'une intelligence supérieure, possède des capacités de concentration, de mémorisation et de volonté hors norme. Et quand il s'attelle à un projet, que ce soit son "Projet Épouse" ou plus tard son "Projet Père", il ne recule devant aucun effort, aucun sacrifice et fonce !

    Le récit semble être une étrange romance, ou non-romance, alors que Don rencontre une (très belle) jeune femme, qui lui semble aussi normale/anormale que les autres, mais qui nous apparaît très vite assez perturbée, en colère, mal dans sa peau.

    D'une manière générale l'une des forces de ce roman, fluide et drôle, est la manière très subtile dont les personnages nous sont présentés à travers les yeux de Don. Procédé courant soit, mais qui prend toute sa force quand le personnage principal possède un profil psychologique décalé. On comprend très bien la logique des actes et des pensées de Don, on devine très vite qui il est et ce qu'il recherche. En revanche le doute persiste longtemps pour les quelques autres personnages qui gravitent autour de lui, dont on ne perçoit que le reflet, à travers le miroir déformé - pour nous, là encore - de son point de vue.

    Bien des caractéristiques fondamentales d'un interlocuteur (attraits physiques, âge, situation socio-économique) qui auraient été présentées d'emblée dans un récit classique, n'apparaissent que très tardivement : l'essentiel pour Don, sont les capacités de conversation "vraie", les centres d'intérêt, le goût pour la discussion de l'autre. Le reste est réellement, à ses yeux, secondaire. Enfin, Don se concentre quand même sur le physique... à travers l'IMC de la personne, qu'il calcule systématiquement, au jugé !

    L'auteur (un Australien, décidément il y a des perles de romanciers de ce pays !) arrive à un exploit : faire rire sur un sujet très sérieux sans jamais le galvauder, avec une histoire rythmée et bien tournée, en mettant en scène une personne hors norme, avec beaucoup de drôlerie et de générosité mais aussi une rigueur sans faille.

    De brillants récits sur des personnalités autres existent, bien sûr ("La vitesse de l'obscurité" d'Élizabeth Moon, "Des fleurs pour Algernon" de Daniel Keyes) mais sont des récits graves, voire tragiques.

    Rien de tel ici ; car si l'histoire de Don est presque douloureuse parfois, l'ensemble est léger, positif et... a son happy ending !

    (remarque : un film est bien prévu, l'auteur s'est attelé à l'écriture du scénario - ce qui est de bon augure ! Une suite va également paraître, dès septembre en Australie, "The Rosie Effect". Là, je suis un peu plus dubitative... ce qui ne m'empêchera pas de me jeter sur le livre, bien entendu ^_^)

     

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