• "Redemption in indigo" de Karen Lord

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     Éditeur en VO : Jo Fletcher Books

    Paru le 1 mars 2012

    400 pages 

     

    J'ai lu ce livre en aveugle, après avoir été littéralement emballée par "Le meilleur des mondes possibles" du même auteur, un roman SF d'une personnalité éblouissante.

    (sortez vos lunettes de soleil, il va pleuvoir des superlatifs)

    Très vite j'ai retrouvé la personnalité de l'auteur, son talent pour une écriture gra-cieuse, pleine de finesse, de générosité et de drôlerie.

    Le style est d'une pureté époustouflante dans sa sobriété, littéraire sans aucune pédanterie (on note parfois des mots en français, parfaitement orthographiés, un signe de perfectionnisme qui rencontre ma pleine approbation !) et absolument délicieux à lire, me laissant un sourire permanent aux lèvres.

    Il est bien difficile de glorifier un style brillant ; je vais ainsi, au fil de mon commentaire, vous gratifier de quelques citations qui m'ont ravie, vous saurez ainsi si ce livre étonnant est fait pour vous.

    Pour ma part, je me suis surprise à avoir envie d'écouter une version audio de ce roman, sans doute après avoir entendu le trailer du roman (ici). C'est un roman qu'on a envie de lire à haute voix, à des enfants en particulier, en y mettant le ton !

    La forme est étonnante pour un livre publié si récemment (2012) : une narration qui prend à témoin le lecteur (certains éléments en fin de livre nous laisse deviner qui peut être ce narrateur), un style délicieusement désuet parfois, une héroïne toutes en demi-teintes, en éclairages indirects, une ambiance de conte.

    L'ambiance et le style m'ont fortement évoqué des lectures classiques, en particulier "Les Histoires comme ça" de Kipling et, pour le ton, le roman d'Alice au Pays des merveilles (mais sans l'absurdité permanente - "Redemption in indigo" est une histoire très agréable à lire, avec un fil directeur bien net) ainsi que tous les romans de Jane Austen, d'une manière générale.

    Le plus extraordinaire dans ce roman est l'impossibilité à bien situer l'histoire, une impossibilité clairement volontaire, car parfaitement maîtrisée. Celle-ci se déroule - à l'exception de passages dont je ne vous révélerais pas la nature - en Afrique Noire, à une époque qui semble proche, mais dans une ambiance intemporelle. Le récit aurait pu s'ancrer sans doute partout dans le monde et n'importe quand.

    Seule l'importance des légendes et croyances, si parfaitement intégrées à la narra-tion et considérées comme réelles par les personnages, signe un cadre où la superstition semble remplacée par la conviction générale que les êtres surnaturels et les pouvoirs particuliers existent bien, tout simplement.

    Paama est le personnage central du livre, mais en toute discrétion.

    "Do not think badly of Paama. She had never had any experience of being and he-roine, and she was not accustomed to other wordly beings threatening her loved ones."

    Le personnage le plus haut en couleur (bleu, pour tout dire !) est un des "djombis" de l'histoire. Ces êtres surnaturels sont d'une nature subtile : un peu des démons, mais sans les connotations péjoratives, un peu des anges parfois déchus, parfois en voie de rédemption, parfois l'un après l'autre !

    Leur forme peut être variable, voire absurde. Le narrateur ne manque pas alors de nous remettre les idées en place, avec fermeté, comme à propos du "Trickster", un autre djombi :

    " 'Gentlemen, pardon me for eavesdroping'

    It was a spider. He was a handsome specimen, standing well over a metre tall at the shoulder, and he had a slight tendency to gesticulate upwards with his front legs that made appear taller. His eyes were keen and deep, and radiated sympa-thy".

    "I know your complaint already. You are saying, how do two grown man begin to see talking spiders after only three glasses of spice spirit? My answer is twofold. First, you have no idea how strong spice spirit is made in that region. Second, you have no idea how talking animals operate. Do you thing they would have survive long if they regularly made themselves known? For that matter, do you think and arachnid with mouthparts is capable of articulating the phrase 'I am a pawnbroker' in any known human langage? Think! These creatures do not truly talk, nor are they truly animals, but thet do encounter human folk, and when they do, they carefully take with them all memory of the meeting".

    L'entrée en matière est assurée par l'absurde et ridicule personnage d'Ansige, le mari goinfre que Paama a laissé derrière elle pour rentrer dans son village natal, mais sans jamais s’appesantir sur sa situation, refusant de satisfaire la curiosité des villageois.

    "There was something else about Paama that distracted people's attention from any potentially juicy tidbits of her past. She could cook."

    Le pauvre Ansige, moteur de l'intrigue, victime de ses appétits, est aussi pitoyable que réjouissant :

    "There are people who inspire others to reach lofty goals. Ansige was one of those. People got to know him, and it came to them in a flash of revelation that whatever it was that they wanted to be, it was not a man like Ansige, and they scrambled to occupy the opposite end of the accomplishment spectrum. People have heroes whom they imitate; Ansige was the perfect anti-hero. No one wanted to turn like him".

    "What else could she [Ansige's mother] have done ? It is a heavy burden, as Paama's parents had found out, to find a worthy spouse for one's offspring, but how much harder the task and heavier the burden when not even love can hide from a doting mother's eyes the sad fact of her son's utter ineligibility!"

    Cette dernière citation en particulier montre des accents Austiniens très amusants, d'autant plus que le lecteur comprend rapidement que dans ce monde matriarcal, il est admissible qu'une femme quitte son mari pour revenir chez ses parents, la tête haute.

    Voilà pour l'ambiance, les thème de départ. Ce n'est qu'à la toute fin que j'ai compris où nous avait amené l'auteur, cette coquine ! Je ne vous résumerais pas l'histoire, ce serait gâcher votre plaisir de lecture. Sachez seulement que c'est brillant et étonnant de bout en bout, un conte plein de verve et de vie, qui a la carrure d'un classique qu'il mériterait de devenir... J'espère qu'il sera traduit, il le mérite mille fois et nous aussi !

    "'Typical', Chance said in tones of deep depression. 'Give them a crisis and they must turn in a form of entertainment'"

    "'This will be entertaining?' she asked doubtfully

    'Some humans find it so. There will be no death, I promise you, but there will be severe embarrassment, which is but a small death of the ego'".

     

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